1. La genèse d’un groupe organisé.

Tous les groupes ne peuvent être qualifiés d’équipe. L’adjectif "organisé" accolé à ce nom désigne le summum des différentes formes collectives. C’est à Sartre, dans la Critique de la Raison Dialectique, que l’on doit cette théorisation des différentes formes de groupement. M. Bernard en a assuré la diffusion au monde de l’éducation physique et du sport dans deux articles de la revue eps. Cette base théorique sur la genèse d’un groupe organisé, d’une équipe questionne notre regard particulier d’entraîneur d’équipe collective et permet de guider notre réflexion.

1.1. le "Rassemblement"

II s'agit de la forme la moins élaborée du phénomène collectif. Il est produit par l'action des individus sur un même objet. Il ne vit pas son unité par lui-même : celle-ci est extérieure à la multiplicité des individus puisque concentrée dans l'objet sur lequel elle veut agir. (par exemple l'unité de la file d'attente des usagers du bus est l'arrivée du bus; comme celle des spectateurs d'un match est le match lui-même.)

Le collectif est logiquement antérieur au groupe (cas des personnes qui viennent s'inscrire dans une structure associative pour, dans un premier temps, jouer au handball).

Dans une perspective d’enseignement-apprentissage, on peut remarquer que cette organisation correspond au fonctionnement des jeunes joueurs débutants pour qui le ballon est le seul et unique centre d’intérêt et ce que le porteur en soit un partenaire ou un adversaire.

Figure n°1 : le rassemblement

1.2. le "groupe en fusion"

Il s'agit de la première manifestation authentiquement groupale du phénomène collectif.

Trois conditions dont les deux premières sont impératives pour que s'effectue le passage du collectif au groupe proprement dit :

Ainsi, la naissance du groupe en fusion se réalise lors d’une action commune qui libère les personnes du rassemblement à leur inertie et de leur impuissance à surmonter leurs rapports d’extériorité. "Chacun devient pour soi et pour chacun le groupe". Extériorité car les membres viennent d’horizons divers, ils sont extérieurs les uns aux autres. Ils n’ont peu ou pas de point commun.

Les membres du groupe en fusion vivent trois types d’expériences :

celle de la solidarité;

celle de l’appartenance ou de l’intégration à une réalité collective nouvelle;

celle d’autrui comme tiers régulateur de l’action de l’individu dans l’action commune.

 

 

Pour reprendre notre démarche d’enseignement-apprentissage du handball, on peut préciser qu’il y a reconnaissance, dans ce type de structure groupale, des partenaires et des adversaires. Le joueur différencie ses comportements en attaque et en défense. Par contre le jeu reste encore brouillon car il n’existe alors pas de différenciation des rôles de chacun.

Figure n°2 : le groupe en fusion

1.3. le groupe statutaire

A partir du moment où la pression des évènements se détend, où l’urgence s’estompe, les chances de la dispersion du groupe augmentent, la conduite du groupe peut alors se briser.

C’est bien pour cela qu’il est essentiel de se fixer à l’avance ce devenir en inventant une conduite présente qui engage le groupe à demeurer permanent.

Cette conduite est celle du "Serment".

Le "serment" est un acte par lequel le groupe, c’est à dire l’ensemble de ses membres, se pose comme permanent. Il s’agit d’un engagement individuel vis à vis du groupe. En cela le groupe s’objective : il n’est plus le moyen implicite d’une action commune, produit et absorbé par elle, mais son propre objectif dans l’immédiat. Il est un élément de constitution du groupe. (C’est certainement un peu de cela qui s’est joué un jour de 1995 à Reykjavik autour de D. Lathoud et des membres de l’équipe de France masculine.) Ainsi, le groupe en fusion devient "groupe assermenté" ou "groupe statutaire" ou encore "groupe organisé". Par le serment, le groupe statutaire ne craint plus que la différenciation fasse de chacun un individu isolé, mais il agit par cette différenciation même, c’est à dire par la répartition convenable des tâches.

Le passage du groupe en fusion au groupe statutaire constitue le fait capital qui va permettre l'organisation du groupe pour l'action. La phase ultime de cette évolution réside dans une répartition des tâches en tenant compte de l'objectif, des moyens et de l'incidence de ces différents facteurs sur le groupe. Sartre indique que

"le groupe est la structure communautaire de mon acte". Ainsi, l'action individuelle s'inscrit dans un cadre de référence qui la dépasse et la signifie. D'où la nécessité du "serment" pour éviter à l'acte individuel de retomber dans sa finalité propre ou de se perdre dans une multiplicité de sens. A partir de là, il s'agit d'organiser l'équipe autour de ce qui l'a fondé (le serment), et de conserver à cette répartition des tâches son caractère groupal.

Figure n°3 : le groupe statutaire

1.4. Définition de l'équipe

L'étymologie du mot "équipe" désigne à l'origine l'esquif qui vient de l'allemand "schiff" et de l'anglais "ship", c'est à dire le bateau lui-même, puis les occupants dans leur activité collective que l'on retrouve dans le terme équipage. L’équipe, c’est l’équipage où chacun est embarqué pour un même sort, où chacun a une fonction distincte.

D'un point de vue sociologique, la notion d'équipe peut être définie par l'existence d'un "groupe relativement restreint d'individus unis pour réaliser un objectif commun".

Cet aspect est essentiel dans la mesure où plus le nombre de personnes composant l'équipe augmente, plus la cohésion risque d'en souffrir, car les risques de conflits et de dispersions vont augmenter. Chacun doit pouvoir communiquer avec tous les autres membres, non pas par personne interposée, mais face à face.

L'unicité du but engendre une cohésion. Mais celle-ci est loin de constituer un tout homogène. En effet, l'équipe est organisée, il existe une différenciation fonctionnelle entre ses membres (gardien de but, ailiers, arrières, etc...). Encore faut-il que cette différenciation soit compatible avec l'existence même du groupe, c'est à dire qu'elle ne brise pas son unité.

Les membres de l’équipe sont unis dans la mesure où leur sort est commun.

Cette union peut prendre quatre formes selon un degré d’interaction entre les membres et une différenciation des rôles plus ou moins marqués.

L’équipe de sport collectif est donc composée d'individus différenciés avec de fortes interactions. A priori chacun possède au sein de l'équipe une fonction particulière.

Mais, quelle peut être la place de l'Individu dans ce Groupe ?

Dans quelle mesure les initiatives individuelles ne sont pas sacrifiées ou plus exactement aliénées à l'action collective ?

Si l'initiative individuelle prenait le pas sur cette organisation collective et tendait à s'affirmer pour elle même, "l'esprit d'équipe", c'est à dire la stricte inter-dépendance des pouvoirs en liaison avec l'objectif commun, serait perdu. Pourtant pour jouer en équipe, il ne suffit pas d'être, en quelque sorte, un "fonctionnaire" sportif dont la personnalité serait totalement masquée par le poste tenu. D'autre part, si les équipiers restent toujours étroitement unis, solidaires, après chaque match, ils le sont autrement. Une équipe n'est pas une machine indifférente au temps fonctionnant d'une manière permanente et dont on puisse escompter des réactions stéréotypées : elle vit au contraire de son histoire (résultats, processus menant au résultat, relations inter-personnelles, etc...) qui l'enrichit ou l'appauvrit, mais de toute façon la transforme.

 

 

 

2. une conception de l’individu et de l’équipe

Pendant de nombreuses années, à partir de l’après guerre, sur la base de l’idéologie soviétique, l’individu a été mis à l’écart au profit du groupe. Il n’existait pas en tant que tel, mais uniquement par l’intermédiaire du groupe auquel il appartenait. L’identité du joueur était alors en péril.

A l’opposé, dans une conception hyper-individualiste, le joueur n’a cure de ses équipiers, ils sont présents uniquement pour le mettre en valeur.

Or pour chaque membre de l’équipe, il existe un double système de satisfaction, individuel et collectif. Olivier Devillard (2000) mentionne que

" dans le processus individuel, la fierté naît de la réalisation personnelle, de l’expression de soi ou du dépassement. L’individu trouve dans cette réalisation dont il est entièrement l’auteur, une image satisfaisante de lui-même. Il l’a imaginée, il l’a concrétisée. Par contre dans le processus collectif, la logique est différente : la satisfaction provient du rôle tenu et de l’appartenance à l’entité. L’individu se pense comme un élément d’un ensemble plus grand auquel il apporte sa contribution. Il renonce à la personnalisation pour profiter du plaisir de l’unité. "

Une équipe ne peut fonctionner dans un registre de performance et sur la durée avec une conception de type hyper-individualiste.

Une équipe existe parce qu’elle est composée de personnes qui, par les processus précédemment évoqués l’ont fait naître. Elle ne peut être performante que dans la mesure où d’une part chacun de ses membres, chaque équipier, est en pleine possession de ses moyens (physiques, techniques, tactiques et psychologiques) et pleinement reconnu comme acteur, et d‘autre part qu‘il puisse les exprimer. Ceci signifie que le joueur ou la joueuse, pour s’adapter à la fluctuation du rapport d’opposition (Attaque/Défense), prenne des initiatives qui s’inscrivent dans la coordination collective. Ceci passe notamment par l’acquisition d’un référentiel commun. L’objet n’est pas ici de développer le modèle didactique permettant l’acquisition d’un tel référentiel,, mais bien de préciser que lorsque l’on veut agir sur l’équipe, c’est sur ses membres, sur les équipiers qu’il faut intervenir. Ils en constituent en quelque sorte les points d’appuis.

" L’équipe n’est pas une négation de l’individu mais constitue pour lui un espace de réalisation plus large ", écrit Devillard (2000). Il pose ainsi le problème :

l‘appartenance a ses limites! Jusqu’où un individu accepte-t-il de se fondre dans un groupe sans craindre de s’y perdre ou de devenir anonyme? La réponse est simple et paradoxale : il s‘intègre à condition de rester différencié. Dans une équipe, on accepte les obligations consécutives à l‘appartenance d‘autant plus aisément que la différenciation de soi par rapport aux autres y est préservée. " Ainsi, " Pour se hisser à un niveau d’efficacité collective, l’équipe doit permettre que s’articule à la fois les individus entre eux et la reconnaissance de chacun personnellement : un équipier qui se croit un pion parmi d’autres ne cherche jamais à se dépasser. "

 

 

 

 

3. les composants de l’équipe

Pour Devillard (2000), l’équipe est composé de quatre éléments de base :

  1. le chef ou pilote : il en est la tête. Cet élément concerne le management, la direction, le style du responsable, la relation avec le contexte;
  2. le groupe des équipiers : il est de nature relationnelle et fonctionnelle. Il intègre la dimension individuelle, les liens relationnels et le niveau groupal;
  3. l’objectif : il représente la cible à atteindre, la mission, le projet;
  4. le système d’actions et de pratiques communes : il regroupe les aspects spécifiques à la tâche, ou au poste de jeu ainsi que les pratiques de l’équipe.

Figure n°5 : les quatre composants du " système équipe "

Chacun de ces quatre composants est nécessaire à l'existence d'une équipe.

Sans objectif, elle n'a pas de raison d'être. Sans pratiques communes, l'action se disperse. Sans chef, il n'y a pas de représentant de l'équipe ni de la direction.

Dans une équipe sportive, le chef n’est pas le leader, c’est le responsable du groupe, l’entraîneur. Le leader est un membre de l’équipe.

Entre ces quatre éléments existent des interactions à partir desquelles le système développe ses spécificités pour conduire au résultat (cf. chapitre sur la cohésion).

Ces interactions sont multiples, mais trois d’entre elles présentent une importance majeure :

Ce lien entre les équipiers est à la base de la cohésion. Il a une fonction de facilitation et constitue un aspect de la trame qui fait la communauté. Il permet d’établir la confiance, de faciliter les échanges, de coopérer sans arrière pensée. Il se constitue par l’attraction qu’exercent les membres et les relations qu’ils développent entre eux. Il est entretenu par des comportements solidaires (interdépendance, coresponsabilité, contrôle réciproque, soutien ou gratifications).

Cette cohésion concourt à la recherche de l’unité opérationnelle. Elle se traduit par la synchronisation, la coordination, les passage de relais, les entraînements et autres réunions.

C’est un processus mental et affectif par lequel un individu se reconnaît au travers d’un autre ou des valeurs de cet autre au point que cela devienne un élément de son identité. Il fonctionne particulièrement bien dans une équipe puisqu’il peut se porter sur chacun de ses composants (au chef, aux autres, à sa part de contribution, aux moyens mis en œuvre ou à l’objectif).

 

 

4. la cohésion de l‘équipe

4.1. définitions

Pour Moreno, " la cohésion du groupe est mesurée par la force de la tendance qui pousse le plus de sous-groupes ou des membres individuels à coopérer, à conjuguer leurs efforts au profit du but commun qui est la raison d’être du groupe " (1934, p.12) Cette définition est assez représentative des conceptions classiques. Pour Anzieu et Martin (1968) qui rappellent la position Lewinienne et citent Cartwrignt et Zander, "la cohésion du groupe est le résultat des forces d'attraction exercées par le groupe à l'égard de ses membres et tendant à les maintenir en son sein : d'une part le groupe lui-même est l'objet d'un besoin à satisfaire ".

L’apparente précision de ces définitions ne masque-t-elle pas certaines obscurités : quel est donc la " tendance " de Moreno, et quelles sont ces " forces d’attraction " signalées par Cartwright et Zander ? Le recours aux concepts de " mesure " et de " force " ne résout aucunement le problème car on ne sait pas grand chose de ces forces qu’on envisage de mesurer.

Tentons d’y apporter quelques éléments de réponse.

4.2. les facteurs de la cohésion humaine

Trois facteurs en sont la source: le lien groupal, les pratiques cohésives et la cohérence.

4.2.1. le lien groupal

Véritable tissu de l‘équipe, le lien est constitué des réseaux de relations interpersonnelles et des attractions qui résultent des intérêts communs. C’est l’ensemble des éléments qui relient les équipiers entre eux et au tout de l’équipe. Il correspond à ce que Parlebas (1992) appelle la cohésion socio-affective.

C’est le premier et le plus important facteur de cohésion.

Constitué par des attractions diverses et des réseaux internes à l’équipe, il favorise une dynamique de coopération et de solidarité. Preuve de l’appartenance à l’équipe, il procure à ses membres l’identité spécifique qui les distingue des autres.

Plus ce lien est fort, plus le manager peut compter dessus dans des situations délicates.

Le lien groupal progresse au travers de trois stades:

Ce type de cohésion pourra être étudi par l’analyse sociométrique (cf. infra).

4.2.2. les pratiques cohésives

Ces pratiques relèvent soit du management lui-même (exercice de l’autorité), soit du fameux " esprit d’équipe " qui se traduit par l’intérêt pour autrui, la capacité à gratifier, le sens de la coopération etc… Elles sont composées par :

Ces attitudes se concrétisent se concrétisent par : des gratifications humaines, le sens de la coopération et l’interdépendance. Bien travailler ensemble requiert deux conditions : mettre ses aspirations personnelles au service de la communauté et partager les valeurs liées à la coopération. Sans ces conditions, les enjeux individuels déclenchent des comportements de concurrence interne qui pénalise l’équipe.

Collaborer à la réussite collective implique que chaque équipier accepte de reléguer au second plan toute tentation d’un jeu par trop personnel et qu’il renonce aux satisfactions qui y sont associées pour les échanger contre les satisfactions du jeu collectif.

Les valeurs de confiance, d’acceptation d’autrui, et les pratiques liées à l’action concertée se regroupent dans le concept d’interdépendance. C’est à dire la capacité à accepter de dépendre partiellement d’autrui.

Figure n°6

Dans le fait de partager une vision commune de l’action à mener, chacun se retrouve, chacun à sa part.

Ces pratiques cohésives font partie de ce que Parlebas (1992) nomme la cohésion fonctionnelle. Celle-ci est liée au fonctionnement même du groupe. Cette cohésion fonctionnelle dépend de l’organisation adoptée (position des individus, réseau de communications, hiérarchie éventuelle), de la nature et des contraintes de la tâche, c’est à dire aussi à l’ajustement des ressources individuelles et groupales aux exigences de l’activité entreprise. Elle dépend de l’adaptation des joueurs à la logique interne du handball et à ses contraintes ; elle sera sous-tendue par de nombreux choix tactiques (postes affectés aux joueurs, système de jeu adopté, consignes, etc…) L’organisation de l’équipe, la distribution des rôles, les réponses au style de jeu de l’adversaire assurent l’efficacité de l’équipe, son rendement et sa cohésion fonctionnelle.

 

4.2.3. la cohérence

C’est une continuité qui peut être établie par l’équipier entre son action et les orientations de l’équipe et/ou du club. Elle permet à chacun de s’inscrire dans une suite logique entre la stratégie du club et son propre travail. Donnant sens à son action, elle suppose une mise en relation continuelle de l’engagement individuel avec les aspects économiques ; sociaux ; professionnels et sportifs de l’organisation. Chacun doit pouvoir établir un enchaînement cohérent entre lui et le but poursuivi par la structure.

Figure n°7

Ceci correspond à ce que Parlebas (1992) nomme la cohésion normative et culturelle. Celle-ci se rapporte aux attitudes communes, aux rituels acceptés, aux interprétations des statuts et des rôles, aux normes et valeurs partagées par les membres du groupe.

    1. le leader
    2. Le leader est un individu qui amène le groupe auquel il appartient à atteindre des objectifs spécifiques. Il n'est pas seulement celui qui fait faire quelque chose à d'autres individus, mais aussi celui qui a la capacité à changer l'attitude des membres du groupe, à mobiliser et à entraîner leur adhésion à des buts communs. Il doit savoir susciter les motivations et entraîner ceux qui le suivent bien plus que les diriger de manière autoritaire. Dans le domaine des sports collectifs le leader doit exercer la fonction de connotation malheureusement militaire dite du capitanat. Ainsi, le capitaine n'est pas forcément le meilleur joueur mais surtout celui capable de mobiliser ses partenaires en entraînant leur adhésion.

      Cette personne doit apparaître sur le sociogramme de manière particulière (absence de liaisons d'antipathie, importance des liaisons de sympathie). Corraze et Nakache (1965) ont de plus montré l’importance de la qualité du leader dans les résultats d’une équipe. Le portrait psychologique du leader ne peut comporter un faible résultat au facteur E de Cattell, qui marque la dominance opposée à la soumission et qui fait la qualité du leader. Ce facteur se rattache à l’agressivité, à l’amour de la lutte. Il est par conséquent également important que chacun des joueurs ait un résultat élevé sur ce facteur. Une moyenne supérieure à une autre équipe permet d‘obtenir, à qualités physiques égales et sans tenir compte des choix ou des rejets, de fortes chances de réussite. De même, le leader ne peut avoir un résultat élevé au facteur L qui est celui de la tendance paranoïde, dans la mesure où le leader serait alors plus enclin à projeter ses échecs sur ses partenaires. L’objectivation de la personnalité à partir de test peut être un élément non négligeable dans la constitution de l’équipe.

    3. les facteurs de la réussite collective

La réussite d’une équipe, c’est à dire son classement dans la compétition, dépend de trois genres de facteurs. Des facteurs individuels, des facteurs collectifs, des facteurs de situation.

C’est uniquement sur les facteurs collectifs que nous allons porter notre réflexion.

Dans les facteurs collectifs, les éléments psychologiques interpersonnels jouent un rôle très important dans la réussite de l’équipe. Ils influencent profondément l’ambiance de l’équipe et par ce biais sa cohésion, donc sa performance. Celle-ci en retour affectera le climat affectif.

 

De nombreux travaux ont été consacrés aux rapports entre relations affectives interpersonnelles et résultat du groupe. Dans un grand nombre de cas les auteurs ont postulé que ces relations affectives reflétaient la cohésion de l’équipe qui était liée de manière linéaire à la réussite.

Or, il faut bien remarquer que la cohésion est un concept qui s’avère complexe. Il s’agit d’un concept multi-dimensionnel et les facteurs sociaux-affectifs n’en constituent qu’une partie. En conséquence, la relation entre réussite et cohésion de l’équipe ne devrait pas être confondue avec celle articulant la réussite avec les facteurs sociaux-affectifs.

De plus, des études sont venues contredire ce schéma linéaire. (H. Lenk sur des rameurs, 1969 ; J.E. Mc Grath sur des tireurs, 1969 ; M.J. Melnick & M.M. Chembers sur des basketteuses, 1974). Néanmoins d’autres travaux mettaient en évidence une relation croissante entre cohésion et performance (K. Vos & W. Brinkman, 1967 ;M. Klein & G. Christiansen sur des groupes de basketteurs, 1969 ; G.E. Arnold & W.F. Straub sur des basketteurs, 1972).

En psychologie sociale, pour R. Lambert (Autorité et influence sociale, in P. Fraisse et J. Piaget, Traité de psychologie expérimentale, PUF, 1965) la relation entre la performance et la tension interpersonnelle ne serait pas linéaire mais curviligne. La performance s’élèverait d’abord avec l’augmentation de la tension. Elle passerait par un maximum, puis diminuerait. Cet auteur différencie deux types d’influence individuelle dans une tâche collective, l’influence directe qui s’effectue par la participation à la tâche collective, l’influence indirecte qui assure une plus ou moins grande coordination des énergies mises en jeu. " Nombreuses sont les tâches coopératives pour lesquelles il existe un but commun qui est généralement la réalisation de la performance maximum, et des buts secondaires, qui concernent le plus souvent la satisfaction des besoins individuels. " Lambert montre que lorsque la tension intragroupe augmente, l’influence directe au niveau du groupe s’élève, l’influence indirecte décroît et l’influence globale, produit des deux précédente croît d’abord puis décroît.

D’après D. Gill (1980) la performance de l’équipe n’est pas fonction de l’importance des conflits interpersonnels, mais s’avère corrélée avec un autre facteur de la cohésion, l’attirance envers le groupe. Comme l’a montré A. Zander (1975), la motivation du groupe peut aussi être considérée comme un élément de la cohésion. Cette motivation liée aux buts que se fixe le groupe, en relation avec son niveau d’aspiration, représente un facteur important dans la réussite de l’équipe.

S’il existe une liaison entre les résultats de l’équipe et sa cohésion, il est alors important de déterminer le facteur causal. Est-ce la cohésion qui affecte la performance ou est-ce la performance qui influe sur la cohésion ? A. Carron (1980) a montré que l’influence de la performance sur la cohésion est beaucoup plus forte que l’inverse.

 

 

 

5. Sociométrie de l’équipe

Ce chapitre a été élaboré à principalement à partir de l’ouvrage de Parlebas (1992), " Sociométrie, réseaux et communication ", PUF). J’encourage le lecteur en quête de complément d’informations ou qui chercherait à améliorer ces connaissances dans le domaine de la sociométrie, à s’y référer.

Nous avons vu plus haut qu’il existait des liens entre la performance de l’équipe et les relations inter-personnelles. Corraze et Nakache (1965) indiquent que " dans les groupes d’intention, le problème de l’efficacité est primordial. Ou, selon les critères classiques un entraîneur organise un groupe en fonction d’appréciations plus ou moins objectives mais tout de même acquises par une expérience personnelle, ou le groupe s’organise de lui-même, étant admis que les participants possèdent une certaine connaissance d’eux-mêmes et du jeu. On peut considérer que la sociométrie a été une tentative pour organiser les groupes à un niveau différent de celui utilisé par les entraîneurs mais surtout en faisant abstraction des exigences précises de l’intention. "

Il semble que ces deux approches ne soient pas exclusives. Ainsi, sans renier les principes d’efficacité qui sont la base de toute idée de performance, il apparaît intéressant pour l'entraîneur de connaître précisément les relations entre les membres de l'équipe afin de mieux les gérer.

Moreno (1934) a émis l‘idée qu‘il existait d‘autres facteurs (facteurs des inter-actions individuelles et facteurs affectifs) pour constituer un groupe que ceux exigés par la tâche.

En effet, les individus sont reliés les uns aux autres par trois types de relations : la sympathie, l'antipathie et l'indifférence. L'objet de l'enquête sociométrique va être de préciser quelles sont celles qui relient chaque membre de l'équipe aux autres, et s'il existe un conflit entre la position qu'un joueur pense avoir dans le groupe et la position que les autres lui attribuent.

L’outil de base du recueil des données est un questionnaire invitant les répondants à désigner les partenaires qu’ils souhaitent ou récusent en vue de partager des situations d’intense communication affective.

Tout d'abord, le promoteur du test doit être connu du groupe et avoir obtenu son accord.

D'autre part, afin d'obtenir une réelle motivation des participants, il est nécessaire de leur préciser qu'il sera tenu compte des réponses dans toute la mesure du possible et que ses réponses demeureront anonymes.

5.1. exemple de questionnaire

L’entraîneur peut être amené, notamment avant le début de la saison ou en milieu de saison (lors d’une trêve importante), à faire participer son groupe à un stage de plein nature. Ce stage peut être l’objet pour faire passer le questionnaire sociométrique. Voici un exemple de présentation.

" Nous allons bientôt organiser des randonnées-camping. Vous ferez de longs parcours à vélos, vous mangerez en pleine nature. Vous franchirez des rivières à la nage ou sur des cordes, vous vous déplacerez parfois en canoë ou en barque.

Ce sera une véritable expédition, mais il n’y aura pas de compétition. L’objectif n’est pas d’arriver avant les autres.

Il va falloir constituer des équipes pour participer à cette randonnée. Le nombre de participants par équipe n’est pas encore défini. Je pourrais désigner la composition de ces équipes, mais je préfère que vous m’aidiez à les former.

Pour que cela soit plus agréable pour vous, il vaut mieux que vous partiez avec vos meilleurs camarades. Aussi, vais-je demander à chacun d’entre vous : " avec qui voulez-vous partir ?" ; et je tiendrais compte de ce que vous écrirez pour constituer les équipes, à partir des renseignements que vous allez me fournir dans vos réponses.

Vos réponses sont strictement personnelles : vos partenaires n’ont pas à s’y intéresser et vous devez en faire de même. Vous ne devez pas communiquer avec les autres.

Je vais vous demander vos préférences et je serai le seul à avoir le droit de lire ce que vous écrirez. Ceci restera confidentiel.

1/ Parmi les membres de l’équipe, quels sont ceux avec lesquels vous aimeriez partir en randonnée-camping ?

Indiquez-en le nombre que vous voulez selon ce que vous ressentez. Ecrivez leur nom l’un à côté de l’autre dans l’ordre de votre préférence : vous écrirez en premier le nom de celui que vous aimeriez le plus avoir avec vous, puis le nom du deuxième, etc…

2/ Essayez de deviner ceux qui vous ont choisi. Quels sont ceux qui , à votre avis, dans l’équipe, vous ont désigné pour que vous partiez avec eux.

Mettez en tête celui dont vous êtes le plus sûr.

3/ Pour que votre équipe marche bien, il faut éviter que vous soyez avec des personnes que vous aimez moins bien. Parmi les membres du groupe, quels sont ceux avec lesquels vous n’aimeriez pas partir en randonnée-camping ?

Indiquez-en le nombre que vous voulez selon ce que vous ressentez. Ecrivez leur nom l’un à côté de l’autre dans l’ordre de votre préférence : vous écrirez en premier le nom de celui que vous aimeriez le moins avoir avec vous, puis le nom du deuxième, etc…

4/ Essayez de deviner ceux qui ne souhaiteraient pas que vous partiez avec eux. A votre avis, quels sont ceux qui n’aimeraient pas que vous partiez avec eux dans leur équipe de randonnée ?

Indiquez-en le nombre que vous voulez, en écrivant d’abord le nom de ceux dont vous êtes le plus sûr.

5/ Pour certaines activités (déplacement à bicyclette, franchissement de rivière, descente en canoë, etc…) il faudra nommer des responsables, des capitaines. Quels sont ceux que vous aimeriez avoir dans cette fonction de responsable ?

Indiquez-en le nombre que vous voulez selon ce que vous ressentez. Ecrivez leur nom l’un à côté de l’autre dans l’ordre de votre préférence : vous écrirez en premier le nom de celui que vous aimeriez le plus avoir avec vous, puis le nom du deuxième, etc…

6/ Pour que votre équipe marche bien et que cela soit plus agréable pour vous, il vaut mieux que vous ayez un responsable qui vous convienne. Parmi l’ensemble des joueurs, quels sont ceux que vous n’aimeriez pas avoir comme chef d’équipe ?

Vous en écrire le nombre que vous voudrez, selon ce que vous ressentez. Mettez en premier le nom de celui que vous aimeriez le moins, puis le nom du suivant, etc…

Dans la mesure où le questionnaire cherche à déterminer les réseaux de communication affectif entre les membres, il faudra veiller à ce qu’il ne comporte pas de critères techniques vis-à-vis des choix effectués.

5.2. le tableau sociométrique

L’enquête sociométrique fournit une masse importante d’informations sous forme essentiellement de listes de noms : une recherche sur un groupe d’une trentaine de personnes fournit à elle seule 600 à 800 données distinctes !

Il s’agit de reporter sur un document de synthèse unique et facilement exploitables toutes les données recueillies, de façon à distinguer les émetteurs et les récepteurs, la nature des réponses (choix, rejets, attentes) et le rang de chaque réponse.

5.2.1. code de présentation des données

d - Disposition des symboles dan chaque case :

Chaque case est divisée virtuellement en quatre quadrants, chacun d’eux étant systématiquement affecté à un symbole précis ; il s’y ajoute une fenêtre centrale réservée au leadership.

Figure n°10

Le tableau sociométrique ci-dessous synthétise les résultats d’un groupe de dix adolescents dont on supposera qu’ils sont membres d’une équipes de sports collectifs.

Tableau n°1 : tableau sociométrique

5.2.2. les scores individuels

Toutes les cases du tableau étant équipées des symboles correspondant aux résultats recueillis, il est possible d’établir des scores caractérisant chaque individu.

  1. les scores d’émission
  2. Ce sont les scores d’extrémité de ligne, indexé à chaque individu., et qui correspondent à l’addition des unités d’émission de cet individu pour la ligne considérée.

    Figure n°11

  3. Les scores de réception

Ces scores d’extrémité de colonne indiquent pour chaque individu la somme des émissions que les autres ont dirigé vers lui.

5.3. le tableau des dyades

On appelle dyade l’ensemble des liaisons unissant deux personnes. Elle est l’unité de base de l’analyse morénienne. Le tableau sociométrique n’en fournit pas une image immédiate puisque le contenu de chacune d’elle est dispersé dans deux cases différentes. Il est donc nécessaire de reconstituer chaque dyade pour obtenir une lecture aisée et complètes des liaisons internes à chaque duo d’individus.

Les réponses aux quatre questions relatives à la dimension socio-affective, désignations et attentes, seront respectivement schématisées au moyen de quatre vecteurs différenciés suivants :

Figure n°12 : la dyade

Le tableau sociométrique peut alors être transformé en tableau des dyades à partir duquel on peut calculer les indices individuel de cohésion affective.

Tableau n°2 : Tableau des dyades

5.4. le sociogramme individuel : l’atome social

Chaque membre d’un groupe de n individus est relié à ses camarades par (n-1) dyades. Moreno a eu l’idée de disposer sur ce schéma, autour de sujet privilégié, l’éventail de ces n-1 dyades. C’est cette rosace relationnelle qu’il nomme " l’atome social " de chaque personne.

Figure n°13 : Atome social de Claude

Ce schéma offre une image, directement lisible, des interactions affectives que Claude entretient avec ses compagnons. Il présente 4 dyades harmoniques parfaites témoignant des liens très forts unissant cet adolescent aux membres de son sous-groupe, et 5 autres dyades négatives ou discordantes révélant l’hostilité qui sépare ce surchoisi du sous-groupe 1, des 5 membres du sous-groupe 2.

Connaissant ces considérations affectives, l’entraîneur et/ou le manager s’ils ne veulent pas avoir de grosses désillusions devront en tenir compte dans la composition de leur équipe sur le terrain, ainsi que dans la mise en place des groupes d’entraînement, pour obtenir le meilleur résultat possible en dehors de toute compétence technique.

5.5. Autre procédure

R. Thomas (1975) propose une variante dans la procédure sociométrique.

Cet auteur propose un questionnement relatif à la technique des joueurs.

De plus, plutôt que de questionner le joueur sur les noms qu’il choisit, puis sur ceux qu’il rejette, il est demandé de fournir une distance vis-à-vis de chacun des membres du groupe. Distance qui s’exprime par une note de 0 à 20, 0 signifiant le rejet absolu, et 20 l’affinité parfaite.

La première étape consiste à remplir une sociomatrice (tableau carré dont les lignes et les colonnes sont constituées par les noms des membres de l’équipe. Dans chaque case (i, j) on porte la note (nij) donnée par le sujet i au sujet j.

A partir des deux sociomatrices, celle des notes affectives et celle des notes techniques, plusieurs figures peuvent être construites.

D’abord, tout simplement, des notes moyennes. L’examen de la moyenne générale des notes d’affinité et de la moyenne générale des notes de valeur technique renseigne déjà sur la manière dont les joueurs s’apprécient.

Ensuite, un diagramme cartésien sur lequel figure chaque joueur repéré par ses deux notes visualise la place de chacun. Les exclus, les choisis, les joueurs jugés excellents se voient immédiatement.

L’étude des sujets observés individuellement se poursuit par l’analyse de leurs relations. Celle-ci peut s’effectuer en utilisant la procédure classique. Il suffit pour cela de ne retenir que les deux ou trois meilleures notes données pour chacun , ainsi que les deux ou trois plus mauvaises notes. On obtient ainsi les choix et les rejets tels qu’ils sont traditionnellement enregistrés.

 

 

 

 

 

 

6. l'équipe, un espace de communication

En tous cas, à l'intérieur de cette équipe existe un espace de communication.

Ainsi l'entraîneur, le manager ne peut faire l'économie de penser son équipe et les joueurs(ses) qui la composent en termes d'espace de communication, c'est à dire en termes de possibilités de dialogues entre les membres.

Dans le cadre de cette problématique, nous ferons appelle aux réflexions de J. Salomé.

Pour cet auteur, le véritable dialogue est fondé sur une double possibilité :

celle de se dire avec le plus de liberté possible et d'être entendu sans jugement, sans rejet;

celle de permettre à l'autre de se dire avec le plus de liberté possible et d'être entendu avec une liberté équivalente.

6.1. les empêcheurs de communiquer en rond

À partir de là, il est important de se questionner sur les freins à la création de relations

vivantes au sein de l'équipe.

Utiliser ON au lieu de JE.

Nous l'avons dit plus haut, les relations entre ses membres ne sont pas homogènes. Il existe des sous-groupes informels composés de personnes ayant de fortes affinités. Ceux-ci sont loin de représenter en nombre la totalité de l'équipe. Pourtant, le joueur ou la joueuse lorsqu'il s'exprime ne parle pas pour lui-même dans la mesure où il emploie quasi systématiquement comme pronom personnel le ON ou le NOUS impersonnel. Ceci a pour conséquence perverse de faire passer un point de vue comme général alors qu'il ne représente peut -être que l'opinion de la personne qui l'a énoncé. Ce fonctionnement est pervers dans la mesure où des personnes possédant un point de vue différent pourraient avoir le sentiment coupable d'être rejeter de l'équipe.

En disant JE, la personne ne ramène pas tout à elle, elle témoigne, se situe, se positionne. Cela permet aux interlocuteurs d'avoir quelqu'un de concret devant eux.

Parler sur le ou les autre(s) au lieu de parler de moi à l'autre ou aux autres, les trois modalités "anti-relationnelles" :

- Parler sur l'autre, faire un discours sur lui, ("Tu fais ceci..., Tu fais cela..."). Pratiquer ce que Salomé appelle ta "relation klaxon".

- Parler à sa place, répondre pour lui, faire les questions et ses réponses.

-Parler à travers l'autre, s'exprimer en se protégeant par ses propos.

Ces trois modalités peuvent être considérées, dans la mesure où elles dévitalisent, stérilisent les échanges dans le long terme, comme de véritables cancers dans les relations. Elles peuvent par là-même mettre en péril la cohésion de l'équipe.

6.2. propositions pour améliorer la qualité des relations dans le groupe

Salomé précise: "qu'une relation vivante suppose la libre circulation entre les protagonistes de quatre possibilités de valeurs équivalentes.

Ces quatre possibilités données, il convient à présent d'établir une démarche concrète permettant de favoriser la mise en place de relations vivantes au sein de l'équipe.

Pour cela, il sera demandé à chacun des membres de mentionner sur une feuille ses propres réponses aux trois questions suivantes :

Les deux premières permettent à chacun des membres de l'équipe de concrétiser ces relations,

1- relations joueur - partenaires : qu'ai-je envie de donner à mes partenaires ?

2- relations partenaires - joueur : qu'ai-je envie de recevoir de mes partenaires ?

Cette deuxième question permet d'accéder à l'"oser demander" et "oser recevoir".

La troisième question définit en quelque sorte le cadre dans lequel doit s'inscrire ces relations. Elle précise les zones d'intolérances de chaque membre de l'équipe.

3- cadre relationnel : qu'est-ce que tu ne veux pas ou plus voir, entendre ou ressentir?

Les joueurs transmettent ensuite leurs réponses, de manière anonyme, à une personne de confiance et respectée, ce peut être le capitaine, l'entraîneur par exemple. Celle-ci peut alors lire à toutes les personnes de l'équipe les réponses aux questions.

Pour permettre à chacun des éléments inscrits de prendre une réelle dimension au sein de l'équipe, il sera demander aux joueurs ou joueuses de se disposer en cercle au centre duquel auront été déposées les feuilles (elles-mêmes disposées à l'intérieur d'un objet). Chaque membre devra alors évoquer pour chacun des trois thèmes une idée qui n'est pas la sienne.

 

7. Equipe sportive et P.N.L.

7.1. Reconnaissance et intégration de la personne au sein du groupe

Pour M. Bernard, "si mon activité me fait participer à l'unité intérieure du groupe, je ne peux, par contre, considérer le groupe comme une communauté-sujet dont je serai un moyen de réalisation, puisque cette communauté existe non seulement par mon activité elle-même, mais à travers et en elle."

Le joueur, la joueuse sont à même de se demander quelles places ils ou occupent véritablement, et qui ils sont au sein de l'équipe ? Sont-ils véritablement reconnus comme ils le voudraient ? L'équipe ne leur fait-elle pas perdre leur identité? Pour le remplaçant ou la remplaçante voire même pour la personne non retenue sur la feuille de match, se pose le problème de son existence.

La démarche présentée ci-dessous, consiste dans un premier temps à permettre à toutes les personnes qui composent l'équipe d'affirmer, de préciser leur identité.

Qui sont elles ou qui voudraient-elles être ?

Cette démarche permet d'autre part d'être systématiquement présents(es) aux matchs, incorporés(es) en chacun(e) des équipiers(es), quelques soient les contingences (remplaçants, dans les tribunes, malades, etc...).

Pour cela, il est demandé à chaque membre de se représenter par un logo et quelques mots. Ces représentations sont ensuite inscrites sur des T-shirts portés lors des rencontres sous les maillots du club.

Ainsi, en plus d'augmenter sa reconnaissance et son intégration dans l'équipe, cette technique permet également de générer un état interne très puissant caractérisé par une formidable sensation d'énergie et de conviction intérieure par rapport à son objectif.

Je me souviens d'une handballeuse, originaire d'auvergne. Son logo, un volcan et son slogan, "soulever les montagnes !! ".

Ce procédé a également était utilisé par l'équipe de France féminine de handball lors des championnats du monde 1999 en Norvège.

7.2. Augmenter sa volonté d'atteindre l'objectif

On rappelle que pour Anzieu et Martin (1968) la cohésion du groupe est le résultat des forces d'attraction exercées par le groupe à l'égard de ses membres et tendant à les maintenir en son sein : d'une part le groupe lui-même est l'objet d'un besoin à satisfaire " (objectif commun) ; et " d'autre part, il constitue pour l'individu un moyen de satisfaire des besoins dont l'origine est extérieure au groupe." (p.213) (objectif personnel)

7.2.1. l'objectif commun

On l'a vu précédemment, les membres de l'équipe ont un objectif commun. Cet objectif peut servir à surmonter les difficultés relationnelles à l'intérieur du groupe dans la mesure où il est fédérateur. En effet, tous les membres du groupe sont rassemblés pour l'atteindre.

7.2.2. les objectifs personnels en relation directe avec l'objectif commun

L'épanouissement personnel d'un membre du groupe ne peut véritablement être envisagé que dans la mesure où celui-ci trouve en partie, du moins, à satisfaire des intérêts qui lui sont propres d'une part, et si d'autre part il ne se sent pas prisonnier du groupe, c'est à dire qu'il puisse reprendre sa liberté, du moment où celle-ci n'engendre pas de répercussions négatives sur les possibilités d'atteinte de l'objectif commun.

Les intérêts personnels peuvent être, par ailleurs, forts différents. Cela peut aller de l'intérêt financier (prime à l'objectif) ou matériel, à l'intérêt de progrès (progrès personnel dans son jeu par exemple mais également progrès dans le niveau de jeu dans lequel l'équipe évoluera), tout comme celui de puissance, de gloire (prestige ressenti du fait d'une qualification à une compétition particulière, ou dû à l'obtention d'un titre) sans oublier celui d'amitié (vouloir rester avec des personnes appréciées).

En effet, P. Bourdieu nous préserve d'une certaine naïveté en signalant que la pleine générosité, ce don pur et entier que notre tradition judéo-chrétienne nous pousse à rechercher apparaît quelque peu comme utopique tant il est vrai que rien n'échappe au calcul des acteurs concernés. Ainsi, il ne saurait exister de "générosité pure" et de "don pur" que mensongers.

Ceci étant, il convient de mettre en évidence, de faire verbaliser ces objectifs personnels (ou en tous cas celui ou ceux qu'il ose présenter) afin de lui faire prendre conscience qu'il est relié directement à l'équipe. L'atteinte de chaque objectif personnel permet d'accroître les possibilités de réussite commune. À partir de là, l'entraîneur va pouvoir établir une symbolique forte entre chaque membre et l'équipe représentée par l'objectif commun.

Pour permettre aux membres de l'équipe d'atteindre leur objectif, nous proposons deux techniques de training mental. Toutes les deux permettent au joueur d'une part de déterminer son objectif car comme le dit Sénèque, "il n'y a de vent favorable que pour celui qui sait où il va", et de favoriser l'anticipation des moyens pour l'atteindre.

La première technique dite de "détermination d'objectif" est plus complète mais également plus longue et peut-être fastidieuse.

La deuxième technique dite du S.C.O.R.E. est plus facile à mettre en place. Elle joue également davantage sur la dimension symbolique.

7.2.2.1. la détermination d'objectif :

Antoni Girod (1999) présente dix questions pour permettre au joueur, à la joueuse d'être pertinent en rapport avec ses objectifs. Elles "vont orienter d'une certaine façon les pensées et actions du sportif. Il va ainsi programmer son futur d'une manière extrêmement puissante." (p-19)

Autrement dit quel est mon objectif ? Il est à noter que plus l'objectif est éloigné dans le temps, plus celui-ci doit être accompagné d'objectifs intermédiaires.

Il est essentiel que l'objectif soit formulé en termes positifs. Il ne peut par conséquent pas être formulé sous la forme, par exemple, "ne plus avoir peur", mais plutôt "avoir confiance en moi".

Il s'agit ici de faire appel à sa lucidité et de ne pas se demander la lune.

A. Girod (1999) précise que "cette question est absolument déterminante. Si je me concentre sur un objectif qui ne dépend pas que de moi, inconsciemment je laisse la place au doute tout en me mettant sur le dos une pression inutile, car atteindre mon objectif échappe à mon contrôle et devient de ce fait aléatoire. De plus je cours le risque si j'échoue de m'exposer au découragement et à la démotivation", (p-21)

Au handball, le rapport de force imposé par l'adversaire est un paramètre difficilement maîtrisable pour gagner un match ou une compétition. Ainsi la question initialement posée doit être modifiée :

Qu'est-ce qui ne dépend que de moi pour atteindre mon objectif?

Le sportif fait alors apparaître un ou plusieurs sous-objectifs alignés sur l'objectif initial, qui eux ne dépendent que de lui. Il concentre toute son énergie sur des actions qu'il contrôle totalement tout en court-circuitant le doute et la pression liés à son objectif aléatoire de départ.

Le fait de réduire la part d'aléa responsabilise le sportif et ne lui donne pas de fausses excuses.

Le sportif doit ici vivre le cheminement et l'atteinte de son objectif par tous ses sens. Il doit préciser tout ce qu'il ressent sur ce trajet.

Cette question surprenante au premier abord n'est pas si anodine qu'il n'y paraît. Elle peut en effet expliquer bon nombre d'actes manques réussis, car parfois les avantages à ne pas atteindre l'objectif sont plus importants que les avantages à l'atteindre.

Prenons l'exemple d'un objectif relatif à l'accession d'une équipe de club en coupe d'Europe ou dans une division supérieure. Le joueur ou la joueuse peut inconsciemment ou pas envisager le fait que dans le cas où l'objectif sera atteint sa place de titulaire ou même de membre de l'équipe sera mise en péril du fait des nouvelles exigences dans niveau de jeu exigé.

Cette question "permet de mettre en lumière les obstacles internes qui pourraient empêcher le joueur, la joueuse d'atteindre son objectif. En anticipant mentalement ces obstacles, le sportif prend conscience des freins agissant la plupart du temps au niveau inconscient qui finiraient immanquablement à se transformer en excuses pour expliquer et légitimer l'échec." (p.23)

Cette question a pour but de rendre l'objectif plus attractif. Plus la liste des avantages sera longue, plus il en sera ainsi.

Il s'agit de faire un bilan, ici et maintenant. C'est une prise de distance une tentative d'étude objective de la situation dans ses différentes dimensions (énergétiques, tactiques, affectives, etc...).

Quels sont les obstacles (externes) qui se dressent entre l'objectif et moi? "Anticiper les obstacles permet d'éviter la surprise inhibitrice quand ils se présenteront. Cela permet surtout de les accepter et de se préparer mentalement à les affronter." Ce travail peut également être envisagé dans le cadre des différents scenarii de matchs :

Pour cela, il est proposé aux joueurs ou joueuses d'envisager leurs comportements, en les inscrivant sur des feuilles de papiers, suivant différents déroulements de la rencontre. Cette anticipation des événements peut revêtir un caractère tactique (type de défense proposée par l'adversaire; période de supériorité / infériorité / égalité numérique indexée ou non à l'écart entre les équipes et/ou au temps restant à jouer), ou affectif (efficacité et/ou inefficacité dans tel compartiment du jeu et notamment le tir; prise en compte du public; des arbitres; etc...).

Ce travail est particulièrement fécond dans la mesure où "un obstacle imprévu est toujours plus important qu'un obstacle auquel on s'est préparé." (p.25)

Cette question prolonge celle posée précédemment, en y apportant des solutions les plus précises possibles.

Récapitulatif de la détermination d'objectif :

Figure n°15 : la détermination d’objectif

7.2.2.2- le S.C.O.R.E. :

II correspond à cinq cases :

Quelle est la situation présente en rapport avec mon objectif ?

Quelles sont les contraintes que je vais rencontrer, qui vont s’opposer à la réalisation de mon objectif.

Quel est mon objectif par rapport à la situation présente ?

Quelles ressources vais-je devoir mettre en oeuvre, vais-je devoir trouver pour surmonter chacune des contraintes qui se sont révélées dans la case n°2 ? (pour chaque contrainte mentionnée doit obligatoirement correspondre au moins une ressource)

Quels sont les effets que me procure l’atteinte de mon objectif ?

Concrètement, chaque case correspond à une feuille de papier sur laquelle l’athlète inscrit ce qui lui semble pertinent eu égard aux différents thèmes. Bien entendu, il peut effectuer des aller-retour entre chaque case.

Une fois le travail d’écriture effectuer, il est important de vivre son SCORE.

Pour cela il sera demandé à chaque personne de disposer dans la salle un parcourt où seront placées les différentes cases. Une fois les feuilles placées au sol, l’athlète à partir de la case n°1, les deux pieds dessus, ira de case en case en visualisant et en vivant les inscriptions mentionnées sur chaque feuille.

 

 

 

 

 

 

Figure n°16 : le SCORE

7.3. mettre en perspective l'objectif commun

Une accession à une division supérieure, une qualification à une Coupe d'Europe ou aux Championnats du Monde ou à toute autre compétition, ne peut constituer une fin ensoi. Seul pourrait l'être, et encore il convient d'en discuter, l'obtention d'un titre suprême.

En effet, if convient de mettre en perspective l'objectif commun pour deux raisons :

d'une part afin d'envisager la vie, et donc la pérennité de l'équipe après l’atteinte de l'objectif, et

d'autre part pour qu'une fois dans la division supérieure, une fois aux championnats du monde, une fois aux jeux olympiques l'équipe ne soit pas là pour faire de la figuration. II est par là-même nécessaire de se projeter dans l'avenir et d'envisager ce que l'on désire faire une fois l'objectif atteint. Ainsi même la consécration suprême peut n'être qu'une étape Cela a été le cas, par exemple, pour les footballeurs français en 1998, pour les handballeurs suédois des années 1990. Par contre, pour les handballeurs français, champions du monde en 1995, leur campagne olympique qui a suivi a été bien loin des espérances escomptées. Que s’est-il passé après ce titre mondial? Quelles étaient les mentalités des joueurs aux J.O. d’Atlanta? Costantini (1996) précise " qu’il existe une forme de motivation avant la réussite, qui est assez facile à analyser, puis qu’apparaît une nouvelle problématique de la motivation à partir du moment où l’on a réussi.  (...) La plus grosse erreur que j’ai pu commettre a été de penser qu’on pouvait ressortir indemne d’un titre de champion du monde. J’ai cru que la perspective de devenir champion olympique aller se placer sur un fil directeur cohérent. En fait, l’altération qui a pu nous atteindre après avoir obtenu, peut-être trop précocement, le résultat maximum nous a tellement transformés que nous avons perdu un petit peu le sens des réalités. Et quand en sport en général, et en sport de haut niveau en particulier, vous perdez le sens des réalités, ça vous revient dans la figure d’une manière absolument inévitable et inéluctable. "

 

 

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